Attentats : se jeter dans la vie et voyager

Cela se passe à Istanbul au mois d’octobre 2015. Depuis tant d’évènements se sont passés en Turquie, un putsch manqué, des purges dignes d’un régime totalitaire…

Nous avions prévu ce voyage de longue date. Nous avions réservé nos billets d’avion, notre appartement en ville, nous avions rêvé, fantasmé, tout était près plusieurs mois à l’avance.

Depuis le début de l’année, une série d’attentats s’abat sur la Turquie, à Istanbul et ailleurs. Vu de France, tout est flou. On parle des kurdes, on parle de l’état islamique. Nous avions encore en tête les attentats de Janvier à Charlie Hebdo. Nous ne savions rien de cet enchainement d’horreur qui allait continuer à s’abattre en France et un peu partout dans le monde. Nous savions seulement que cela venait s’ajouter à l’immense liste des atrocités qui depuis des mois, des années, des siècles, ensanglantent notre humanité.

Alors que faire ?

Que doit-on faire lorsqu’un attentat a lieu quelques semaines, quelques jours avant votre départ en voyage ? Quelle réaction doit-on avoir ? Comment ne pas céder à la peur ?

Avec Mlle A. nous nous sommes clairement posé la question. Mais la réponse a été assez rapidement trouvée. Nous n’avons pas changé nos plans. Nous n’avons pas voulu céder. Nous avons chassé les idées noires de nos têtes et nous nous sommes jetés dans la vie.

Notre semaine à Istanbul s’est passée sans l’ombre d’une pensée macabre pour notre sécurité. Nous avons vécu notre voyage « normalement ». Nous sommes rentrés et le lendemain un nouvel attentat avait lieu en Turquie, cette fois à Ankara.

Quelques semaines plus tard ce sera le Bataclan à Paris.

Des catastrophes en chaine nous ont touché de près en France mais la liste est longue si l’on dé-zoom sur la situation dans le monde. Parlons des attentats, des conflits armés, des risques liés aux homicides, aux enlèvements, aux vols, des catastrophes naturelles, des risques d’accidents, de maladies… Le Mali, le Nigeria, la Russie, le Liban, le Cameroun, la Belgique, la Syrie, la Tunisie, le Bangladesh, l’Egypte, le Tchad, l’Allemagne, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde, le Burkina, la Somalie, les Etats-Unis, la Côte d’Ivoire, le Yemen, la Thaïlande, la Birmanie, la Papouasie, la Colombie, les Philippines, le Laos, le Vietnam, le Pérou, le Mexique, l’Ukraine, la Chine, la Corée, l’Ouganda, la Palestine, Israel, le Honduras, le Salvador, la Jamaïque, le Venezuela, le Guatemala, la Zambie, l’Afrique du sud, la Centrafrique, Puerto Rico, les Bahamas, Sainte Lucie, le Kenya, le Brésil, le Mexique, la Guinée, le Panama, le Groenland, l’Equateur, le Nicaragua, l’Islande, le Japon, le Brésil, à Haïti, les Maldives, l’Indonésie, l’Italie, la Grande-Bretagne, la Hollande, le Rwanda, le Lesotho, l’île de la Réunion, Madagascar, L’Arabie Saoudite, l’Iran, le Chili, l’Algérie, le Maroc, les Balkans, le Tibet, le Népal…

Enfin quoi, y’a t’il un endroit sur terre où l’on est certain d’être en totale sécurité ? La Suisse et ses milliers de bunkers peut-être ? Monaco et ses 2 km² ?

Alors que faire ?

Si les contrées lointaines nous sont trop étrangères pour s’identifier, alors rabattons-nous sur ce qui nous entoure et réfléchissons : faut-il arrêter de vivre ou d’aller à Paris, à Bruxelles, à Nice ?

Non. Ma réflexion est minime, synthétique, insignifiante. Je n’avais pas envie de m’étaler, de me répandre. Mais j’avais besoin de dire non.

Il en ira de même pour tous les pays ou les risques sont présents. Il en ira de même pour tous les pays à la réputation sulfureuse. Il en ira de même pour tous les pays où l’on souffre mais où l’étranger est accueilli avec le sourire fier des hommes debout.

Et jamais ne cessera la folie des hommes.

Cet article marque le début d’une série d’article sur notre voyage à Istanbul, une suite, plus légère. Vous pouvez en avoir un avant-goût en visionnant la petite vidéo sur Istanbul ici.

12 réflexions au sujet de “Attentats : se jeter dans la vie et voyager”

  1. Pas simple comme positionnement ! Cela reste un choix personnel. Pour ma part, je n’ai pas annulé mes voyages comme celui à Bruxelles, une quinzaine de jours après les attentats du 22 mars. Cet été, nous avons été de passage à Genève avec mes enfants, mon conjoint et mes parents. J’ai ressentit pour la première fois de l’appréhension lorsque nous étions en gare. Pas trop l’envie d’y traîner… Je ne sais pas pourquoi, rien ne présageait quoique ce soit. Et je me suis forcée à repousser ce sentiment, résister.

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    • C’est vrai que je pourrais rajouter que c’est un avis très personnel et que chacun fait évidemment comme il veut/peut/sent. Il n’y a pas de règles dans ces cas là… Je peux comprendre aussi que lorsqu’on se balade en famille, les pensées peuvent s’affoler… Je passe la moitié de mon temps à Paris et il m’arrive encore d’avoir un sentiment de malaise dans certaines circonstances…

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  2. Oui, se jeter dans la vie, j’approuve ! Les attentats de par leur côté choquant et traumatisant font vaciller notre côté rationnel (si tant est qu’on puisse l’être). Mais si on analyse ça de manière froidement statistique, j’ai toujours pour habitude de dire qu’être la victime d’un attentat est une erreur statistique qui ne se produit pas. Évidemment, les personnes qui ont été victimes de près ou de loin d’un de ces drames bondiraient à lire ça, mais il n’empêche. Deux chiffres pour illustrer mon propos :
    – La route tue en France plus de 3500 personnes chaque année, pourtant personne ne réfléchit avant de monter dans une voiture
    – Il y a 65 millions d’habitants en France. Même à poursuivre sur le rythme dramatique et horrifiant de cette dernière année, à savoir près de 250 morts, pour avoir un risque sur dix (ce qui commence à devenir tangible comme risque) de compter parmi les victimes, il faudra que s’écoulent 26 000 années.
    Après, je voyage seul, donc je gère mon risque à moins. J’entends bien que la question est plus compliquée à plusieurs. Et puis chacun fait aussi comme il peut. On ne part pas quelque part si on a vraiment peur, ça ne sert à rien, ça ne rime à rien. Mais ne cessons de comme tu le dis de se jeter dans la vie. J’aime cette formule décidément !

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    • Oui l’idée générale serait en effet de se dire qu' »on va tous mourir un jour »… alors pourquoi se priver de faire certaines choses plutôt que d’autres ? Puisque l’on ne sait pas quand la note finale sera jouée, autant profiter de toute la symphonie et de ses variations.

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  3. Une réelle psychose s’installe grâce à nos gentils médias.
    Certes, il y a eu de nombreux morts dans les attentats mais la couverture médiatique nous plonge dans une psychose.
    Dans les faits, nous avons bien plus de chances de mourir d’un accident de voiture à quelques kilomètres de chez nous qu’en voyage à Paris ou à Istanbul …
    Que se passerait-il si les médias couvraient en live chaque accident de voiture avec des interview choc, des images dures comme c’est le cas pour les attentats ? On laisserai nos voitures au parking ?

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    • Salut Aurélien, tu rejoins la réflexion de Laurent là-dessus. Je te suis sur la psychose entretenue par les médias qui ne facilite pas les choses et ne permet pas de se poser pour réfléchir sereinement…

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  4. Merci pour ce beau reportage et on attend la suite :)) Nous avions le projet d’aller visiter cette ville mystérieuse en famille mais l’actualité s’en est mêlée .Un mois avant notre départ un attentat eu lieu en Turquie et nous avons du tout annuler ,voyageant avec une grande entreprise européenne . Les risques étaient bien réels .Je ne voulais pas exposer mes enfants à un risque quelconque . Voyager avec la crainte ,enlève une certaine excitation . Mais depuis une certaine déception mêlée de colère m’envahit . Devrons-nous nous interdire de visiter certains pays afin d’encourir le moins de danger possible . Je ne sais pas ,je ne sais plus . J ‘espère qu’un jour j’arriverai à aller au-delà de cette crainte !
    Merci en tout cas de nous ouvrir les portes de ce petit joyaux qu’est ce pays la Turquie et merci pour ce reportage qu’on aurait aimé un peu plus long :))
    Avis perso: une musique orientale aurait donné plus de mystère à ce reportage . Merci encore
    Sandrine Muller

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    • Merci pour ton commentaire ! 🙂 C’est certain que cela peut être un choix compliqué, qui appartient à chacun. Les autres commentaires pourront également te donner du grain à moudre. 🙂 A bientôt par ici !

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  5. difficile tout ça!
    comme tu dis trouver un endroit sans risque dans la planète s avère difficile
    je dis svt à mon entourage si on va dans ce sens , je ne vais plus travailler
    j habite en région parisienne, je dois chaque jour prendre le train et ensuite le métro parisien
    que dois je faire ? prendre un job en home office pour éviter les risques et ne plus venir à Paris pour y manger , me divertir
    il y a des rsiques partout , en traversant la rue, je px me faire renverser par une voiture
    concernant les voyages à l étranger, j y pense mais je continue à voyager, étant donner que cela pt arriver n importe où et n importe quand….
    Mais en même temps c est compliqué de vivre avec cette chappe de plomb au dessus de la tête
    j y pense et puis j oublie comme dirais l autre
    j essaie de continuer la vie, il faut dire que dans tous ces attentats je n ai pas eu de proche vicitmes, pt être en saurait il autrement sinon
    je ne peux le dire
    malheureusement , c est l objectif des auteurs de ces attentats , que l on s arrête de vivre, qu on se replie sur nous, qu on se batte entre nous, diviser c est leur objectif
    mais je comprends que ce n est pas simple du tout
    mais que faire sinon? nous sommes nous vivants alors il faut vivre
    me concernant le voyage est dans mon adn, je continue donc à voyager
    je trouve que la tension engendrée est déjà assez dans mon quotidien pour ne pas voyager qui est ma passion, mon loisir no 01
    mais c’est très complexe

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    • C’est complexe oui, et cela concerne un ressenti très personnel, mais on pourrait élargir le problème à ce qui nous empêche d’aller dans telle ou telle destination. Et si l’on se posait pour réfléchir on se rendrait compte que ces impressions négatives qui nous empêchent de visiter un pays sont souvent guidés par une image véhiculée par les médias et/ou la vox populi, et en aucun cas un avis personnel documenté…

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  6. Justement on en parlait avec Tania (commentaire précédent !) et on se disait … que finalement ça pouvait frapper partout.
    Ton article est simple et direct, et je l’approuve à 100% tant dans la forme que dans le fond. Pas besoin de faire de grandes phrases philosophiques pour dire que oui, on continuera à voyager envers et contre tous blablablabla.
    Bien sûr ça dépend des gens. Et je respecte ça : certains ne veulent plus, pas tout de suite, pas là bas, pas là bas non plus. Chacun gère à sa façon.
    J’ai l’impression que si je ne voyage plus, si je ne fais plus rien, ben ils ont gagné. Et ça, c’est pas possible. Une de mes anciennes collègues était au Stade de France le 13 novembre. Une connaissance vit à quelques mètres d’un des restaurants touché par les fusillades. Et une de mes copines était au Bataclan, elle y a perdu son cousin et la mobilité de son bras gauche. Et pourtant, tous continuent à vivre encore plus fort, alors pourquoi pas nous ? Encore une fois, chacun gère à sa façon, évidemment, on ne peut pas faire une règle absolue et dire que les autres ont tort. En fait si : « les méchants c’est pas très gentils » et ils ont tort. Point.

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    • Et il certain que les personnes touchées au coeur par les attentats auront un chemin difficile à faire pour retrouver confiance en l’humanité… Et comme tu le dis en effet c’est une question sensible et chacun y répond comme il peut.

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