L’essence du son est dans le jeu. Le son se joue des cartes et des tracés. Le son se joue des frontières. Le son est sourd, il n’entend rien aux vraissemblances. Le son sourd aux circonstances chemine dans des rizomes aériens, sur des méridiens imaginaires le son serpente au grè des vents. Le son traverse, enjambe, saute, cambe et chevauche, le son diffuse, colporte, répand et véhicule, le son disperse, propage et surnage au dessus des eaux du fleuve.
Le son choisi l’alternative et si vous lui laissez le choix, le son frappera à la porte d’en face, là-bas, sur l’autre rive, plutôt qu’à celle du voisin d’à côté. Le son est sourd, il n’entend rien au convenances.
Le son ? Faut pas le chercher !
Où es-tu ? Nun Zira ? Aon es ?
On l’entend ici quand il se fait oublier là-bas. Le son d’ici et maintenant, c’est différent. Ici l’ici c’est maintenant, mais pour là-bas c’est autrement. L’ici et maintenant de là-bas n’est pas le même et pourtant si, milles airs vous le diront. Et ça, c’est le son qui universalise, à chacun sa chacune, à chacun son son. Le même pour tous, tous différents. Le son raconte bien l’eau d’ici et l’eau de là-bas sans distinction d’origine, de race, ni de richesse.
M’entends-tu ? Entzuten duzu ? M’enténs ?
Si l’eau, le flot, le flux, le fleuve, s’aligne en démarcation naturelle sur la carte du geographe, la frontière annoncée, elle, liquide, insaisissable, est bien poreuse et perméable. Le son s’y joue des déterminismes, déterminé à aller là où on ne l’attend pas. Et dans son flot sans fin il emporte les hommes, la langue, les us et les coutumes, n’en parlons pas.
Malgré cette eau qui creuse son lit avec entêtement, comme la mine du pouvoir a un jour creusé la feuillle de papier d’un trait définitif, le son traverse ce mur finalement mou de part en part. En atteignant ce mur mou, le son transperce son ventre immobile, remue ces remous d’eau par les airs. Un mur mou d’eau percé à jour par un simple murmure, quoi de plus beau.
Frontière aux pieds d’argile. Quand l’eau coule, le son vole et s’envolent les traditions, les normes et bien séances, le son nous montre son séant. Rieur au bec des oiseaux, le son vole la vedette et quand l’eau du fleuve dors, le son s’éclate sur son miroir, se multiplie, marche sur l’eau !
Ici il paraît que la culture d’une rive se noie pour ressurgir différente de l’autre côté. Le son traversant les eaux de l’Adour transformerait les mots et par là les hommes. La langue d’une rive portée par la brise fluviale ressurgirait chamboulée sur la berge d’en face.
Le grand chamboule tout sonore se joue des eaux, rusé il parle la langue de ceux qui ouvrent leur porte. Le son n’est ni d’ici, ni de là bas, le son né de partout, urbi et orbi, à chaque coin de rue, le son universalise ! Et la langue ? Avec ! Et les hommes ? Vous rigolez !
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Texte écrit pour la balade « Aturri / Adour » dans le cadre du projet « Cheminement » mené par la Cie Laguarte au Pays basque.
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