C’était en 2003, la guerre de G.W.Bush en Afghanistan venait juste de débuter. Le monde résonnait encore des attaques du 11 septembre à New York. Pierre frontalière d’un monde qui allait finalement prendre feu. Je m’apprêtais à partir pour mon premier long et lointain voyage. Comment l’avais-je choisi ? Pourquoi partir à ce moment-là ? Qu’est-ce qui m’avait amené à prendre cette décision ?
Les gens se demandent souvent ce qui pousse à partir, quel est le déclic, ce qu’il se passe entre le désir et la réalisation. L’occasion pour moi de revenir de nombreuses années en arrière et de tenter de poser sur le papier ce moment étrange où l’on se dit : Je pars !
Je ne peux pas dire que je n’avais pas connu le voyage jusque-là. J’avais eu la chance de m’éloigner de France quelques semaines quand j’étais jeune : le Quebec, l’Angleterre, l’Irlande. C’était le temps de colonies de vacances et des séjours linguistiques : Vive les Comités d’Entreprise ! Et puis j’avais découvert l’Italie, l’Espagne, le Portugal avec ma famille : Ah les grand voyages en voiture !
L’Islande n’était qu’une antichambre
Pourquoi partir ?
Et puis j’avais grandi, démarré ma vie de musicien, engrangé quelques sous et finalement assez vite, j’avais réalisé mon premier rêve de voyage : l’Islande. A une époque où l’île sauvage était loin des destinations les plus tendances du moment. A une époque où en plein mois de Juillet on pouvait ne croiser aucune âme qui vive sur des centaines et des centaines de kilomètres. La petite Islande paraissait alors infinie, sauvage, libre. J’y ressenti jusque dans mon ventre ce que signifiait au fond « l’espace ». Ces paysages, ce sentiment d’isolement, d’improbables possibles me marqueraient pour la vie.
Pendant ce temps-là ma vie basculait.
Pourquoi partir en Islande ? Parce qu’un jour je me suis passionné pour une chanteuse islandaise… vous aurez deviné de qui je parle. Non ? Celle qui a plus fait pour l’Islande que n’importe quel office de tourisme : Björk Guðmundsdóttir. C’est donc par la musique que je me suis envolé pour l’Islande. Notez que la formule a du charme. Bon ok, il se pourrait que pour l’occasion j’ai voulu également impressionner quelqu’un qui m’était cher… Mais je crois profondément que ce qui me pousse à voyager ne viendra jamais d’une émission de TV ou d’une liste des destinations les plus tendances du moment. En revanche, un livre, une musique, une photo, un souvenir, un être aimé…
Par exemple, j’ai envie un jour d’aller à New York. Vous me direz, ouais, bon, qui n’a pas envie d’aller à New York ? Avec tous les films qu’on a vu, avec tous les reportages, tous les blogs, tous les mythes qui entourent cette ville, rien de plus facile que d’être attiré. Et bien non cher ami !
Pourquoi partir à New York ? Parce qu’un jour mon père a pris une photo lors d’un voyage dans les années 70. Parce que plus tard cette photo s’est retrouvée dans mes mains, puis sur mon mur. Une photo en noir et blanc, format 15×21 portrait, on est dans la rue, on y voit des buildings, des voitures, des gens. Rien de spécial. New York. Mais c’est sur cette photo que s’est cristallisé mon désir et grâce à elle, je sais qu’un jour, j’irai là-bas (…).
Voilà donc des évènements de la vie qui nous poussent à partir. Et puis on fait des rencontres, et puis on a envie de repartir. A ce sujet lisez donc un beau billet d’Emmanuel du blog Prêt pour l’aventure : Ces gens qui vous marquent en voyage.
Pour revenir à ma petite histoire, je ne le savais pas encore, mais les trois semaines passées en Islande n’étaient que l’antichambre de quelque chose de plus grand et de plus lointain. Je n’avais plus de travail. J’avais vécu un amour impossible (comme quoi la magie de l’Islande ne règle pas tous les problèmes). Toute ma vie s’était mise en stand by.
J’avais mon meilleur ami, Antoine, qui était parti étudier à l’étranger. Cela faisait 6 mois qu’il était parti. Nous parlions fréquemment au téléphone. Je m’offrais alors inconsciemment un choix. Je pouvais rester en France, chez moi, à ruminer ma situation avant de pouvoir rebondir bien sûr, je n’en doutais pas (?). Ou je pouvais partir.
On pourrait appeler ça de l’inconscience
Pourquoi partir ?
C’était un soir d’hiver comme les autres rue Beaufleury à Bordeaux. J’étais au téléphone avec Antoine, je devais me plaindre de ma situation comme d’habitude, et c’est alors qu’Antoine me demande d’un ton détaché et certainement pas vraiment convaincu : c’est quand que tu viens me voir ?! Ahaha ! On blague, ce serait chouette, mais c’est loin, c’est compliqué tu comprends blablabla.
Je raccrochais. Pourquoi partir ? Et bien pourquoi pas. Je me branchais sur internet et je décidais d’aller voir là-bas si j’y suis. Combien coutait un billet pour d’aller rejoindre mon ami, là-bas, à l’autre bout du monde ? C’était cher. Très cher. J’appelais Antoine le lendemain et je lui annonçais que j’allais venir le retrouver.
C’était décidé. Comme ça. En un instant. Une décision franche, tranchée, sans calcul. Comme elles doivent être prises à mon sens. Comme il m’arrive de les prendre en tous cas. Est-ce une bonne chose ? Est-ce la bonne façon ? Quid des conséquences, des répercusions, des risques, etc ? Ce que je sais c’est que l’atermoiement n’est pas dans ma nature, qu’il y a une forme de plaisir, d’adrénaline, de sentiment d’aventure à ne pas calculer. Et que ce jour là ma décision était prise. Restait ensuite à organiser les conséquences de cette décision. Mais rien n’allait la freiner. Il me restait quelques économies, je quittais mon appartement, j’annonçais la nouvelle à mes parents (qui allaient gentiment accueillir leur fils sans le sou à son retour) et je prenais mon billet pour… l’Australie !
Je n’avais plus de travail. Je n’avais pas d’amoureuse. Je n’avais presque plus d’argent. Je savais que quand je rentrerais j’aurais toute une vie à reconstruire. Mais c’était le cas quoi qu’il arrive. Je prenais un billet ouvert pour pouvoir choisir ma date de retour. Je savais que je ne pourrais rester que 3 mois maximum avec mon visa de touriste. Je ne pensais pas à l’avenir. Trois mois c’était déjà bien. Je pense que si le Working Holiday Visa avait existé à l’époque j’aurais sauté sur l’occasion pour partir plus longtemps encore. J’en rencontrerais là-bas, des tonnes de backpackers, qui me nargueraient avec leur PVT… Je ne savais alors rien de ce qui m’attendait. J’allais rejoindre mon pote, à Sydney, point. La suite… je vous laisse l’imaginer.
Pourquoi partir ?
Parce qu’il faut toujours aller vérifier si la couleur est bien là, comme on l’a rêvée.
Et vous pourquoi partez-vous ?
Pour aller plus loin
Pour continuer la lecture, et dérouler la pelote, je vous conseille de lire l’éloge de l’imprévisible de Cédric, du blog Un voyage au Yukon (et ailleurs) ou l’art de se laisser porter par les vents pendant votre voyage.
J’aime les décisions rapides après on gère. …
C’est déjà l’aventure
Exactement, ça met du piquant ! Et cela permet tout simplement de faire les choses et de ne pas regretter…
J’aime aussi suivre l’instinct quand il te dit: « bordel fais ça ».
Mais je me méfie aussi de mes zones d’ombre, parasites, de l’égo.
J’ai déjà suivi mon instinct et pourtant je me disais « est-ce que tu es sur ? » pour ce qui a été une monumentale connerie. J’avais pris un billet d’avion la veille pour le lendemain pour aller voir une demoiselle, très proche, et plus du tout proche au retour quelques jours plus tard. Voilà le résumé d’un court épisode de ma vie dont j’ai encore du mal à évoquer en détails.
On me dit que j’ai du cran, oui souvent c’est vrai, mais des fois, il faut payer les pots cassés derrière..
T’as raison Emmanuel, c’est une démarche qui comporte des risques. Et il faut parfois assumer les conséquences de nos choix… Et quand nos émois s’emmêlent… Mais la question qui reste toujours vivante dans ces cas-là c’est : « n’aurais-tu pas vécu avec le regret de ne pas avoir tenté ta chance ? » Et dans tous les cas, cette façon d’être nous apprend également à nous connaitre mieux, à savoir comment nous sommes capable de réagir, de nous adapter, de recevoir des coups, de nous relever etc. 🙂
J’ai jamais fait un truc dingue comme tout plaquer sur un coup de tête. Je laisse de la place à l’improvisation dans une journée, mes vacances mais j’ai besoin de repéres.
Biensûr j’ai des regrets de ne pas avoir fait ceci ou cela, mais par rapport à il y a plusieurs années, j’ai changé des trucs, suis allée voir ailleurs depuis 5 ans. Par contre j’ai appris à ne plus jamais dire jamais.
On apprend de ses erreurs, et j’insite ma fille à réaliser ses rêves (même les pus fous), et surtout à ne pas rentrer dans la matrise.
Oui c’est sûr qu’il n’est pas aisé de franchir le pas, le lâcher prise s’acquiert avec le temps si le désir est là !